Réalité virtuelle et réalité augmentée : la clé d’un contenu réussi est dans le storytelling
Nos cerveaux sont constamment à l’affût de narration. Une bonne nouvelle pour les créateurs de contenus de réalité virtuelle ou augmentée.
A ce jour, une chose est claire : le storytelling appliqué à la réalité virtuelle (RV) ou à la réalité augmentée (RA) fait naître des perspectives incroyables. Le succès de Pokémon GO en est témoin, l’application de ces technologies au quotidien va révolutionner la façon dont nous créons et délivrons du contenu récréatif.
La génération des milléniaux a été immergée jusqu’à présent dans une projection en 2D d’une réalité tridimensionnelle, que ce soit par la peinture, les livres, les films ou les jeux vidéo. Avec la RV et la RA, s’annonce l’avènement d’une infrastructure médiatique tridimensionnelle offrant des contenus immersifs à grande échelle. Il s’agit là d’une opportunité sans précédent pour l’ensemble des créatifs, depuis les artistes jusqu’aux publicitaires. Mais leur succès dépendra d’une bonne compréhension d’un principe fondamental de la narration : le « potentiel narratif ».
Le potentiel narratif
Le potentiel narratif fait référence aux éléments présents dans un univers immersif et qui font appel à une implication de l’utilisateur.
Les livres et les films nous proposent des récits dont l’issue est prédéterminée, les auteurs et les réalisateurs ayant déjà établi l’ensemble de l’univers et de l’histoire. Mais avec les technologies immersives, on se dirige vers un paradigme complètement différent. Les créateurs doivent maintenant construire des mondes qui invitent l’audience à participer activement et qui lui permettent de façonner ses propres histoires.
C’est le cas pour les applications mobiles les plus légères comme pour les expériences d’immersion virtuelle les plus totales. Chaque scène, chaque environnement, chaque objet présente pour le créateur une opportunité d’impliquer ou non l’utilisateur. Dans un film, un objet placé dans une pièce est un simple accessoire visuel. Dans un univers en RA ou en RV, ce même objet devient source d’interaction en puissance.
Soulignons ici que l’application du principe de « potentiel narratif » n’est pas limitée aux histoires, mais s’étend à tous les types de contenu, des applications jusqu’aux publicités. Son nom fait référence à une tendance inhérente à nos esprits qui cherchent à tout « narratiser ». C’est ce qu’a mis en évidence l’étude Heider-Simmel il y a déjà soixante-dix ans : notre cerveau crée des histoires même lorsqu’il n’y en a aucune. Le potentiel narratif consiste à utiliser cette tendance. Voici trois manières d’utiliser le potentiel narratif pour que votre RA ou votre RV atteigne votre audience.
1. Laissez l’environnement s’exprimer
Tous les architectes et décorateurs d’intérieur vous le diront : chaque espace délivre un message. Lorsque vous entrez dans une salle de classe traditionnelle, quels messages vous sont transmis par l’environnement ? Les rangées de tables bien ordonnées vous indiquent qu’un groupe de personnes va diriger son attention vers un point donné, plutôt que de discuter en groupe. Les lampes néons et les livres suggèrent un espace conçu pour la concentration et l’étude. Ces détails intégrés dans l’espace influencent les hypothèses que nous formulons sur ce à quoi nous attendre et la façon d’agir. En fait, ces détails façonnent notre histoire dans cet espace et à ce moment donné.
Lorsque nous construisons des espaces virtuels, nous pouvons prolonger cette réflexion et l’appliquer à l’expérience utilisateur. Par exemple, si notre but est de faire naître un sentiment de confinement, pourquoi ne pas exploiter ces souvenirs d’enfance (les interminables jours d’école), en incorporant des éléments d’une salle de classe (lampes néon, angles droits, petits bureaux entassés) ? Pourquoi pas, d’ailleurs, aller jusqu’à rétrécir l’espace de manière à peine perceptible, afin que les participants se sentent comme des enfants trop grands dans un espace aux proportions par ailleurs normales ?
La question de la relation des utilisateurs à l’espace se pose aussi pour les univers de réalité augmentée. Si vous créez un jeu de salon en RA, cela peut faire la différence entre des utilisateurs jouant confortablement dans leurs lits et des utilisateurs obligés de courir autour de la table de la cuisine. Pour utiliser correctement le potentiel narratif et proposer des contenus attractifs aux utilisateurs, il est nécessaire de comprendre leurs préférences, leurs désirs et leurs habitudes.
2. Tout est dans les détails
Toutes les applications immersives ne sont pas destinées à proposer un univers complet, mais même lorsque c’est le cas, ce sont les détails qui convaincront ou non votre audience.
Supposons que vous soyez chargé de concevoir une publicité en RA pour une marque de vases. Si la première chose que les utilisateurs voient est un vase placé en position précaire sur le bord d’une table, il y a fort à parier qu’ils imagineront immédiatement le vase tombant et se brisant. Le potentiel narratif est utilisé, mais certainement pas en faveur du vase ni d’une association positive pour la marque. Si vous aviez positionné le vase au centre de la table en revanche, vous auriez pu exploiter le potentiel narratif autrement, laissant toute liberté aux utilisateurs d’imaginer l’effet que ferait ce vase dans leur salon.
Plaçons-nous cette fois dans un contexte où vous devez créer un jeu mobile décalé. Vous pourriez tout à fait utiliser à nouveau un vase, mais doté cette fois de propriétés surprenantes. Imaginez par exemple qu’en heurtant le sol, le vase rebondisse en faisant « boing boing ». Le jeu tout entier pourrait tourner autour de vases rebondissant comme des ballons de basketball. Vous utiliseriez ainsi le potentiel narratif pour créer un univers subversif et établir une image de marque décalée et rebelle.
Ce ne sont que deux exemples parmi d’autres. L’important est que vous meniez une réflexion approfondie sur les propriétés des objets afin de pouvoir les utiliser à votre avantage.
3. Amorcez les interactions sans diriger les actions
De nombreux créateurs d’univers immersifs se sont demandé comment « diriger » l’attention de l’audience dans de tels univers. Il vaut mieux se demander comment inviter les utilisateurs à interagir avec l’univers. Plus que jamais, les créateurs doivent anticiper les désirs de leur audience pour concevoir des expériences auxquelles elle accroche.
Dans un film, on peut utiliser les prises de vue, les zooms et les mouvements de caméra pour diriger l’histoire. Mais dans la RA et la RV, les utilisateurs-acteurs jouissent d’une trop grande liberté pour que ces outils fonctionnent. A la place, on peut utiliser des indices et des « points d’intérêt » pour orienter la participation des utilisateurs. Si par exemple vous entendez un son derrière vous, vous allez sans doute vous retourner. De même si quelqu’un pousse un cri en pointant quelque chose du doigt. Les personnages jouant le rôle d’« hôtes » sont également très utiles, mais pas dans toutes les situations.
Ainsi, quelques connaissances sur la manière dont les utilisateurs réagissent aux formes, couleurs et motifs vous aideront à utiliser les points d’intérêt au mieux. Comme l’écrit Jessica Brillhart, « un point d’intérêt peut être extrêmement évident comme par exemple un point rouge lumineux, mais il peut aussi être plus subtil, comme un alpiniste isolé escaladant un glacier ». Ces éléments doivent attirer l’attention avec le plus d’impact possible. Cela peut nécessiter d’ajouter des informations autour du point d’intérêt pour s’assurer que les utilisateurs le remarquent, ou bien de le laisser en évidence dans un espace vide pour ne pas brouiller le message.
De façon plus générale, pour savoir si votre création incite réellement à l’interaction, il vous suffit de vous poser cette question : s’agit-il d’une expérience que l’audience aurait pu vivre de n’importe quelle autre façon ? Si la réponse est oui, il vous faut sans doute revoir votre copie. Les films ne sont pas que des « acteurs sur pellicule », ils sont un média à part entière. De la même manière, la RV et la RA sont de nouveaux médias qui apportent de nouvelles possibilités à explorer.
La RV et la RA peuvent notamment donner naissance à des interactions qui n’auraient jamais lieu dans la vie réelle. Imaginez être dans une réalité virtuelle avec votre père et que celui-ci apparaisse sous forme d’un petit ours bleu à la voix haut-perchée : vous adapteriez tous les deux votre compréhension de l’autre pour vous adapter à cette nouvelle réalité. Lui s’amusera de sa nouvelle identité et il ressortira peut-être des aspects de sa personnalité qui restent enfouis dans la vie réelle. Si vous faites cinq fois sa taille, il vous faudra trouver des moyens d’interaction qui n’auraient pas lieu d’être dans la réalité. Une fois sortis de cette réalité virtuelle, cette expérience aura toujours un impact sur la compréhension que vous aurez l’un de l’autre.
La multitude de possibilités émergeant de ces nouveaux formats peut faire peur, mais gardez en tête que tout le monde est encore novice en la matière et en train d’apprendre sur le tas. La meilleure chose à faire est donc d’expérimenter tant que la barre est encore basse. En gardant ces trois principes en tête, vous mettrez toutes les chances de votre côté pour créer un jour des expériences inoubliables.
Page mise à jour le 21/12/2024